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Salle 113 - Le blog

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23 juin 2018

Vidéo de révision : Agir dans la cité, individu et pouvoir

Agir dans la cité

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23 juin 2018

Nouvelle vidéo en cours de chargement

Elle devrait arriver d'ici ce soir ! Soyez patients encore un petit peu !

20 juin 2018

Video de révision : SE RACONTER, SE REPRESENTER

Se raconter, se représenter

19 juin 2018

Video de révision : VISIONS POETIQUES DU MONDE

Visions poétiques du monde

25 mai 2018

La satire - étude de textes

Les obsèques de la lionne est la quatorzième fable du livre VII écrite par Jean de La Fontaine en 1678. Dans le contexte de la monarchie absolue, dirigée par Louis XIV, autrement surnommé le roi soleil, cette fable, comme beaucoup d'autres, vise à critiquer le pouvoir en place et, ici plus particulièrement, la société qui gravite autour du roi : ceux que l'on nommait alors la cour, composée de courtisans. Ces derniers sont décriés, qualifiés de "peuple caméléon, peuple singe du maître". Si la métaphore animale est utlisée dans ce vers, elle l'est en fait tout au long de la fable puisque Jean de la Fontaine use l'anthropomorphisme en donnant aux animaux des réactions humaines afin de mieux critiquer ces derniers et surtout d'éviter la censure. De fait, le pouvoir politique absolu, de droit divin, se donnait à ce moment-là, la possibilité de faire interdire certains ouvrages qu'il jugeait immoraux ou contraire à la valorisation des idées politiques ou au pouvoir lui-même. Ainsi, si elle est souvent censurée, cela voudrait-il dire que la satire a un pouvoir tel que la puissance politique doive s'en méfier ? Autrement dit, les mots sont-ils puissants, et comment ?

Dans un premier temps, et afin de comprendre les enjeux de la satire, nous procéderons à l'étude de l'évolution de ce genre littéraire, depuis ses origines (Juvénal, Cicéron...) jusqu'à nos jours (Charlie Hebdo) en passant par les oeuvres majeures françaises (Jean de La Fontaine, Jean-Baptiste Poquelin dit Molière, François-Marie Arouet dit Voltaire, Emile Zola) et étrangères (Mark Twain, Aldoux Huxley, George Orwell). Dans un deuxième temps nous analyserons la portée politique d'un texte satirique et la manière dont il trouve sa place, dans ou en dehors de sa société et des sociétés futures. Enfin, dans un troisième temps, nous réfléchirons à la nécessité de porter un regard critique sur notre société contemporaine, de comprende les enjeux d'un regard critique argumenté.

Pourquoi l'homme critique-t-il la société dans laquelle il vit ? Il s'agit tout d'abord de bien comprendre le sens du mot "critique" puisque, force d'utilisation péjoratives, il a pris un sens négatif dans le langage courant. Or, le termer "critique " est directement issu du mot "crise". Ils ont tout deux la même étymologie : "crisis", cet instant de bascule entre une phase ascendante et une phase descendante. Ce point le plus haut, c'est-à-dire littéralement le moment de la crise est nommé "l'acmé", en anglais "the climax". La critique intervient alors dans des moments de crise : qu'elle soit là pour la provoquer ou pour la résoudre, elle demeure attachée à ce moment de tension. Si l'on attribue la paternité de la satire à Archiloque de Paros (auteur grec, -712 avant J.C.) c'est avec Juvénal (auteur latin, 1er siècle après J.C.) que la violence de la satire a trouvé son style. Mais qu'est-ce qu'une satire ? Le dictionnaire Larousse propose la définition suivante en trois points :

  • Pièce de vers où l'auteur attaque les vices et les ridicules de son temps.
  • Pamphlet ordinairement mêlé de prose et de vers, dans lequel on s'attaque aux mœurs publiques.
  • Écrit, propos, œuvre par lesquels on raille ou on critique vivement quelqu'un ou quelque chose

Grâce à cette succession de définition, c'est la chronologie de l'évolution de la satire qui se fait jour. D'abord pièce en vers, ells singe et révèle les travers de la société afin de les rendre ridicules. L'utilisation du vers permet de retenir la pièce et, dans un société où l'écrit n'est maîtrisée que par une infime partie de la population, celle-ci peut circuler à loisir par le bouche à oreille qui ne nécessite pas de savoir lire. Parfois, elle sera même reprise en chanson, deviendront des chansons satiriques ou bachiques (en l'honneur du dieu Bacchus - équivalent latin du dieu grec Dionysos, le dieu de l'ivresse et du vin). L'extrait suivant prouve cette propension mnémotechnique du texte satirique :

Les malades ici, dans leur repos troublés,
Succombent la plupart d’insomnie accablés.
C’est leur faute, il est vrai, c’est l’excès de la table
Qui chargeant l’estomac d’un poids insupportable,
Y fait naître, y nourrit un feu séditieux ;
Mais fût-on plus frugal, en dormirait-on mieux ?
Les maisons à loyer n’ont pas de nuit tranquille :
Ce n’est qu’à prix d’argent qu’on dort en cette ville.
Voilà ce qui nous tue. À peine le matin, De fatigue épuisé, je m’assoupis enfin,
Que vingt chars accrochés s’arrêtent à ma porte :
Aux cris des muletiers que la fureur transporte,
Aux clameurs dont je sens tout mon grabat trembler,
Les phoques et Drusus cesseraient de ronfler.

Juvénal, Satires, Satire III

Les rimes suivies facilitent la mémorisation des paroles. Il en est de même de l'alexandrin. Ce que critique Juvénal ici, ce n'est pas uniquement les malades atteint du mal de gourmandise et qui, du fait de ce vice auraient des troubles de digestion, c'est aussi et peut-être surtout ce qui cause ce mal, à savoir que les riches et les pauvres ne dorment pas, mais leur insomnie n'est pas dûe à la même cause. Pour les riches, c'est un repas trop gras et très arrosé qui causerait l'insomnie ; pour les pauvres, c'est une nuit agitée par les heurts de la nuit qui empêche le sommeil de venir. Le satiriste se place du côté des pauvres en s'incluant progressivement dans la description : depuis le "nous" jusqu'à une prise de position plus claire marquée par l'utilisation du pronom réfléchi "me". Le satiriste, en s'inculant dans son propos prend part dans la critique qu'il donne, c'est dès lors un point de vue subjectif qui est adopté, soit le regard d'un citoyen de la cité sur un fait de société. Après Juvénal, beaucoup ont pris le parti de l'offensé contre l'offenseur - souvent déterminé dans les autorités politiques et/ou religieuses. Se déterminent ainsi les oppressé et les opresseurs et le satiriste prend, de façon générale, le parti de l'oppressé. Selon les époques, et surtout à posteriori les satires permettent de constater les évolutions des moeurs. Aussi, il était très courant au Moyen-âge de composer une satire contre les femmes, accusées de moeurs légères comme nous le voyons sous les vers de Peire Cardenal (poète occitan, c. 1204) :

Je m'élève contre ce que l'on tient pour une marque d'apparat:
si vous n'y prenez garde, un jour quelque fou pensera,
si vous l'honorez d'un trop bon accueil,
que vous vous êtes amourachée de lui.
C'est pour cela, belle dame, que je vous mets en garde:
une querelle avec un fou devient bien vite déplaisante,
car au premier mot il se répandra en propos malveillants.

Aujourd'hui, la satire sur la femme est devenue bien plus doutable du point de vue moral. Les blagues sexistes sont condamnables bien qu'elles restent d'usage sous couvert de l'humour. Or, c'est là un point important de la satire, c'est qu'elle est souvent cachée par l'humour qui permet de désamorcer la critique vive tout en faisant passer le message. Sont alors utilisées les tournures ironiques ou même les procédés grotesques (caricature). C'est le choix qu'à fait Molière dans Tartuffe (1669) :

Ah ! pour être dévot, je n’en suis pas moins homme :

Et, lorsqu’on vient à voir vos célestes appas,
Un cœur se laisse prendre, et ne raisonne pas.

Je sais qu’un tel discours de moi paraît étrange :
Mais, madame, après tout, je ne suis pas un ange ;
Et, si vous condamnez l’aveu que je vous fais,
Vous devez vous en prendre à vos charmants attraits.
Dès que j’en vis briller la splendeur plus qu’humaine,
De mon intérieur vous fûtes souveraine ;
De vos regards divins l’ineffable douceur
Força la résistance où s’obstinait mon cœur ;
Elle surmonta tout, jeûnes, prières, larmes,
Et tourna tous mes vœux du côté de vos charmes.

 

Lexique

fable :

monarchie absolue :

courtisans :

anthropomorphisme :

censure :

immoraux :

paternité :

singer :

propension :

mnémotechnique :

 

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16 mai 2018

Entraînement : les expansions du nom

Entraînement numérique, cliquez sur la bonne réponse




16 mai 2018

Les expansions du nom - nature et fonction

Les expansions du nom

 

Les expansions du nom servent à donner des informations sur un nom commun. Elle font généralement partie du groupe nominal (pas forcément sujet).

Elles peuvent être de trois natures :

- Adjectifs qualificatifs

- Groupe prépositionnel

- Proposition subordonnée relative

 

Selon leur nature, les expansions du nom peuvent avoir des fonctions diverses :

- Adjectifs qualificatifs

Ils peuvent être épithète liée. Ils sont alors placé juste avant ou juste après le nom qualifié.

Ils peuvent être épithète détachée. Ils sont alors éloigné du nom qualifié par une signe de ponctuation majoritairement.

Ils peuvent être attribut du sujet. Ils sont détaché du nom qualifié par un verbe d'état.

Rappel !

La liste des verbes d'état : être, paraître, sembler, demeurer, rester, avoir l'air, passer pour...

Exemple : Le grand bol de café, rouge, est cassé.

- grand : adjectif qualificatif épithète liée du nom "bol"

- rouge : adjectif qualificatif épithète détachée du nom "bol"

- cassé : adjectif qualificatif attribut du sujet "bol"

 

- Groupe prépositionnel - fonction : complément du nom

Il est généralement placé à côté du nom sur lequel il donne une information, une précision. Il est introduit par une préposition.

 

Rappel  !

La liste des prépositions : à, dans, par, pour, en, vers, avec, de, sans, sous.

Un moyen mnémotechnique pour retenir cette liste : Adam part pour Anvers avec deux cents sous.

 

Exemple : Le grand bol de café sur la table de la cuisine est vide.

- de café : groupe prépositionnel, complément du nom "bol"

- sur la table : groupe prépositionnel, complément du nom "bol"

- de la cuisine : groupe prépositionnel, complément du nom "table"

 

- Une proposition subordonnée relative  - fonction : complément du nom

(cf. vidéo).

Exemple : Le grand bol de café qui est resté sur la table de la cuisine n'a pas été rangé.

- qui est resté sur la table de la cuisine : proposition subordonnée relative, complément du nom "bol".

Bonus expertise : Dans la proposition subordonnée relative il peut y avoir des groupes prépositionnels complément du nom ou des adjectifs. Ainsi, le groupe prépositionnel " de la cuisine" est complément du nom "table" même s'il est inséré dans la proposition subordonnée relative elle-même complément du nom "bol".

15 mai 2018

Correction du DNB blanc n°2 - La rédaction : sujet d'argumentation

Raconter ses blessures de l’enfance permet-il de les guérir ?

 

Se raconter c’est délivrer une partie de soi à un autre, à autrui. C’est lui raconter une partie de vie, une expérience, un savoir acquis au grès de pratiques personnelles. Or, l’être humain se construit tant par ses moments de joie que par ses moments de peine et ce sont parfois les douleurs qu’il a ressentie qui forgent son caractère et sa façon de percevoir le monde et les autres. Aussi, la blessure semble aussi nécessaire dans la construction de l’individu que tous les autres sentiments éprouvés. Pourtant, certaines blessures, surtout celles de l’enfance, peuvent être traumatiques et modeler l’adulte en devenir de façon irrémédiable. Sans aller jusqu’aux témoignages des enfants soldats ou des enfants sauvages l’Homme s’empare parfois de la littérature afin de transmettre à ses semblables les éléments qui ont construit son enfance pour tenter de comprendre la personne qu’il est devenu et pourquoi pas d’en guérir. Aussi, la question est simple : le fait de raconter ses blessures de l’enfance permet-il vraiment d’en guérir ?

Le fait de raconter les blessures de l’enfance semble permettre de se comprendre, cela permet également de donner l’opportunité à autrui de porter un regard neutre, bienveillant ou hostile sur le fait vécu. Pourtant, se soigner des blessures de l’enfance reste une entreprise de longue haleine.

         Chaque Homme a connu dans son enfance des blessures qui lui ont permis de se construire. Certains, en choisissant d’écrire une autobiographie, livrent leurs secrets les plus intimes afin de partager leurs expériences avec un public lecteur (qui peut être voyeur, juge ou confident). Par ce biais, l’auteur (qui est aussi le narrateur et le personnage) parvient à poser une distance nécessaire entre les faits vécus et les émotions ressenties alors et la résonnance du fait sur la vie future. C’est le temps qui devient alors le facteur premier de la compréhension. Romain Gary a fait le choix de rendre public un souvenir d’enfance traumatisant et la distance entre l’enfant et l’adulte apparaît dans l’ironie présente tout au long du texte. L’événement le plus marquant de La Promesse de l’Aube demeure sans doute la rencontre avec la jeune et cruelle Valentine pour qui l’auteur réalisa ce qu’il nommera, avec son regard d’adulte complaisant : des « prouesses ». Après avoir avalé des escargots, de la terre et finalement une chaussure, l’auteur revient, quelques trente années plus tard sur ce qu’il perçoit comme un exploit mais aussi comme une cruelle blessure dont il mettra du temps à se remettre. Evidemment, il est nécessaire de nuancer cette blessure dans le sens où elle n’est pas aussi traumatique qu’un viol ou qu’une violence. Néanmoins, si l’auteur éprouve le besoin de le raconter c’est qu’il considère cet événement comme fondateur dans son parcours.

Or, du fait de se raconter, l’auteur donne l’opportunité au lecteur de porter un regard sur son histoire. Il peut non seulement permettre de mieux comprendre une série d’action ou un choix particulier. C’est d’ailleurs pour cela que la première autobiographie est née sous la plume de Jean-Jacques de Rousseau. Afin d’expliquer autant ses œuvres philosophiques comme Le Contrat social ou l’Emile ou de l’éducation que ses actions de vie moins glorieuses (l’abandon de trois enfants) le philosophe du XVIIIe siècle rédige ses Confessions. Il se présente devant le lecteur comme il se présenterait devant Dieu en avouant : « Je forme une entreprise qui n’eût jamais d’exemple […] » et en reprenant les codes religieux de la confession religieuse.  Le lecteur devient alors le garant de l’esprit de l’auteur et ce dernier se livre sur ses actions, des plus positives aux plus négatives, en incluant également les moments de honte. Il raconte alors l’épisode des peignes cassés et avoue avoir ressenti lors de sa punition (une fessée) un sentiment nouveau, une pulsion qui le poussait à apprécier l’instant de la sanction. En lisant cela, le lecteur peut, à l’aide de son esprit critique, fustiger ou pardonner l’auteur de son acte.

 

III. Se soigner des blessures de l’enfance reste une entreprise de longue haleine

15 mai 2018

Correction du DNB blanc n°2 - La rédaction : sujet d'invention

Je m’apprêtais à vivre à vivre une expérience qui allait changer ma perception de l’amour à tout jamais. Un après-midi de printemps, alors que Valentine s’apprêtait à quitter le parc dans lequel nous avions joué depuis le matin, je tentais une approche que je pourrais qualifier, aujourd’hui, avec le recul, de non-conventionnelle. Connaissant l’amour de Valentine pour les défis et sa soif de pouvoir (que je percevais à peine), je commençais par me mettre à ses genoux, à littéralement me traîner sur le sol, à ses pieds, rampant comme un vers sous les yeux éberlués de ma chère aimée. Trouvant là que ma prouesse n’était pas aussi chevaleresque qu’elle l’était dans ma pensée, je me roulais là, sur la terre battue, cherchant à me couvrir de boue et à lui montrer ma soumission absolue et éternelle. Evidemment, et j’aurais dû m’en douter, Valentine ne vit rien d’extraordinaire dans ce geste désespéré…et désespérant. Mais je ne m’avouais pas vaincu, j’entamais, là, sur le sol, à même les graviers, une danse terrestre, m’écorchant coudes et genoux en plusieurs endroits. Son regard, stupéfait d’abord commençait à se transformait. Un sourire s’ébauchait sur ses lèvres et je parvins à la faire rire. J’avais fait rire Valentine, je l’avais faite rire ! Moi ! Pas Janek, Moi ! et tout seul. Au seul prix de mes articulations et de mon pantalon. C’était peu cher payé. Mais son rire…celui-ci cessa rapidement d’être bon-enfant. Ses yeux avaient changé, son regard s’était durci. « Janek ne se tortille pas ! »

C’était tombé, une sentence qui m’achevait, irrévocable. Janek revenait dans la course. Elle me torturait. Je me relevais, péniblement, doucement, tristement devant elle, devant celle que j’aimais et le regard tourné vers mes pieds, ne souhaitant plus la voir, ne souhaitant plus la regarder, je m’éloignais. Mais j’entendis, là, comme sorti des ténèbres, mon prénom, prononcé par ma douce…qui semblait le redevenir d’ailleurs. « Mais, tu saignes ? » Oui, de partout, je me répandais, troué de toute part, abîmé et meurtri. Je ne l’avais pas remarqué avant qu’elle me le dise et, face à mon propre sang je ne tournais pas de l’œil, résistant péniblement à l’envie que j’avais de m’effondrer là, de retour sur le sol, inanimé, gisant dans les flots. Elle s’approcha de moi et me demanda si j’avais mal, si je souffrais terriblement ou atrocement. Je choisis, au hasard la deuxième réponse et elle me demanda de confirmer que c’était là bien ce que je ressentais. Je le jurais, voulant à tout prix plaire à ma bien-aimée, à celle que j’aimerais pour toujours, d’autant plus depuis qu’elle avait prononcé mon prénom. Oh ma douce, ma toute douce.

« Janek aurait dit qu’il avait terriblement mal ». Mon sang ne fit qu’un tour et je m’effondrais sur le sol, cette fois-ci pour de bon. J’y restais des heures durant, si longtemps que, quand ma mère me récupéra, il faisait déjà nuit depuis longtemps. Valentine était partie évidemment, sans doute était-elle partie rejoindre ce Janek qu’elle aimait tant, qui avait la bonne réponse. Je n’ai jamais revu Valentine ni l’autre.

 

 

 

 

4 avril 2018

Cyrano de Bergerac - Acte III, scène 7.

Scène VII

ROXANE, CHRISTIAN, CYRANO, d’abord caché sous le balcon.

 

 

Roxane, entrouvrant sa fenêtre.


Qui donc m’appelle ?

 

Christian.


Moi.

 

Roxane.


Qui, moi ?

 

Christian.


Christian.

 

Roxane, avec dédain.


C’est vous ?

 

Christian.


Je voudrais vous parler.

 

Cyrano, sous le balcon, à Christian.

Bien. Bien. Presque à voix basse.

 

Roxane.

Non ! Vous parlez trop mal. Allez-vous-en !

 

Christian.

De grâce !…

Roxane.


Non ! Vous ne m’aimez plus !

 

Christian, à qui Cyrano souffle ses mots.


M’accuser, — justes dieux ! —
De n’aimer plus… quand… j’aime plus !

 

Roxane, qui allait refermer sa fenêtre, s’arrêtant.

 

Tiens, mais c’est mieux !

 

Christian, même jeu.

L’amour grandit bercé dans mon âme inquiète…
Que ce… cruel marmot prit pour… barcelonnette !

 

 

Roxane, s’avançant sur le balcon.

C’est mieux ! — Mais, puisqu’il est cruel, vous fûtes sot
De ne pas, cet amour, l’étouffer au berceau !

 

Christian, même jeu.


Aussi l’ai-je tenté, mais tentative nulle
Ce… nouveau-né, Madame, est un petit… Hercule.

 

Roxane.

C’est mieux !

 

Christian, même jeu.

 

De sorte qu’il… strangula comme rien…
Les deux serpents… Orgueil et… Doute.

 

Roxane, s’accoudant au balcon.

Ah ! c’est très bien.

— Mais pourquoi parlez-vous de façon peu hâtive ?
Auriez-vous donc la goutte à l’imaginative ?

 

Cyrano, tirant Christian sous le balcon et se glissant à sa place.


Chut ! Cela devient trop difficile !…

 

Roxane.

Aujourd’hui…
Vos mots sont hésitants. Pourquoi ?

 

Cyrano, parlant à mi-voix, comme Christian.


C’est qu’il fait nuit,
Dans cette ombre, à tâtons, ils cherchent votre oreille.

 

Roxane.


Les miens n’éprouvent pas difficulté pareille.

 

Cyrano.

 

Ils trouvent tout de suite ? Oh ! cela va de soi,
Puisque c’est dans mon cœur, eux, que je les reçois ;
Or, moi, j’ai le cœur grand, vous, l’oreille petite.
D’ailleurs vos mots à vous descendent : ils vont plus vite,
Les miens montent, Madame : il leur faut plus de temps !

Roxane.

Mais ils montent bien mieux depuis quelques instants.

 

Cyrano.

De cette gymnastique, ils ont pris l’habitude !

 

Roxane.

Je vous parle en effet d’une vraie altitude !

 

Cyrano.

Certes, et vous me tueriez si de cette hauteur
Vous me laissiez tomber un mot dur sur le cœur !

 

Roxane, avec un mouvement.

Je descends !

 

Cyrano, vivement.

Non !

 

Roxane, lui montrant le banc qui est sous le balcon.

Grimpez sur le banc, alors, vite !

 

Cyrano, reculant avec effroi dans la nuit.

Non !

 

Roxane.

Comment… non ?

 

Cyrano, que l’émotion gagne de plus en plus.


Laissez un peu que l’on profite…
De cette occasion qui s’offre… de pouvoir
Se parler doucement, sans se voir.

 

Roxane.

Sans se voir ?

 

Cyrano.


Mais oui, c’est adorable. On se devine à peine.
Vous voyez la noirceur d’un long manteau qui traîne,
J’aperçois la blancheur d’une robe d’été :
Moi je ne suis qu’une ombre, et vous qu’une clarté !
Vous ignorez pour moi ce que sont ces minutes !
Si quelquefois je fus éloquent…

 

Roxane.

Vous le fûtes !

 

Cyrano.

Mon langage jamais jusqu’ici n’est sorti
De mon vrai cœur.

Roxane.

Pourquoi ?

 

Cyrano.

Parce que… jusqu’ici
Je parlais à travers…

 

Roxane.

Quoi ?

 

Cyrano.

…le vertige où tremble
Quiconque est sous vos yeux !… Mais ce soir, il me semble…
Que je vais vous parler pour la première fois !

 

Roxane.

C’est vrai que vous avez une toute autre voix.

 

Cyrano, se rapprochant avec fièvre.

 

Oui, tout autre, car dans la nuit qui me protège
J’ose être enfin moi-même, et j’ose…

(Il s’arrête et, avec égarement.)

Où en étais-je ?
Je ne sais… tout ceci, — pardonnez mon émoi, —
C’est si délicieux… c’est si nouveau pour moi !

 

Roxane.

Si nouveau ?

 

Cyrano, bouleversé, et essayant toujours de rattraper ses mots.


Si nouveau… mais oui… d’être sincère :
La peur d’être raillé, toujours au cœur me serre…

 

Roxane.

Raillé de quoi ?

 

Cyrano.

Mais de… d’un élan !… Oui, mon cœur
Toujours, de mon esprit s’habille, par pudeur :
Je pars pour décrocher l’étoile, et je m’arrête
Par peur du ridicule, à cueillir la fleurette !

 

Roxane.

La fleurette a du bon.

 

Cyrano.

Ce soir, dédaignons-la !

 

Roxane.

Vous ne m’aviez jamais parlé comme cela !

 

Cyrano.

Ah ! si, loin des carquois, des torches et des flèches,
On se sauvait un peu vers des choses… plus fraîches !
Au lieu de boire goutte à goutte, en un mignon
Dé à coudre d’or fin, l’eau fade du Lignon,
Si l’on tentait de voir comment l’âme s’abreuve
En buvant largement à même le grand fleuve !

 

Roxane.

Mais l’esprit ?…

 

Cyrano.

J’en ai fait pour vous faire rester
D’abord, mais maintenant ce serait insulter
Cette nuit, ces parfums, cette heure, la Nature,
Que de parler comme un billet doux de Voiture !
— Laissons, d’un seul regard de ses astres, le ciel
Nous désarmer de tout notre artificiel :
Je crains tant que parmi notre alchimie exquise
Le vrai du sentiment ne se volatilise,
Que l’âme ne se vide à ces passe-temps vains,
Et que le fin du fin ne soit la fin des fins !

 

 

Roxane.

Mais l’esprit ?…

 

Cyrano.

Je le hais, dans l’amour ! C’est un crime
Lorsqu’on aime de trop prolonger cette escrime !
Le moment vient d’ailleurs inévitablement,
— Et je plains ceux pour qui ne vient pas ce moment ! —
Où nous sentons qu’en nous une amour noble existe
Que chaque joli mot que nous disons rend triste !

 

Roxane.

Eh bien ! si ce moment est venu pour nous deux,
Quels mots me direz-vous ?

 

Cyrano.

Tous ceux, tous ceux, tous ceux
Qui me viendront, je vais vous les jeter, en touffe,
Sans les mettre en bouquets : je vous aime, j’étouffe,
Je t’aime, je suis fou, je n’en peux plus, c’est trop ;
Ton nom est dans mon cœur comme dans un grelot,
Et comme tout le temps, Roxane, je frissonne,
Tout le temps, le grelot s’agite, et le nom sonne !
De toi, je me souviens de tout, j’ai tout aimé :
Je sais que l’an dernier, un jour, le douze mai,
Pour sortir le matin tu changeas de coiffure !
J’ai tellement pris pour clarté ta chevelure
Que, comme lorsqu’on a trop fixé le soleil,
On voit sur toute chose ensuite un rond vermeil,
Sur tout, quand j’ai quitté les feux dont tu m’inondes,
Mon regard ébloui pose des taches blondes !

 

Roxane, d’une voix troublée.

Oui, c’est bien de l’amour…

 

Cyrano.

Certes, ce sentiment
Qui m’envahit, terrible et jaloux, c’est vraiment
De l’amour, il en a toute la fureur triste !
De l’amour, — et pourtant il n’est pas égoïste !
Ah ! que pour ton bonheur je donnerais le mien,
Quand même tu devrais n’en savoir jamais rien,
S’il ne pouvait, parfois, que de loin, j’entendisse
Rire un peu le bonheur né de mon sacrifice !
— Chaque regard de toi suscite une vertu
Nouvelle, une vaillance en moi ! Commences-tu
À comprendre, à présent ? voyons, te rends-tu compte ?
Sens-tu mon âme, un peu, dans cette ombre, qui monte ?…
Oh ! mais vraiment, ce soir, c’est trop beau, c’est trop doux !
Je vous dis tout cela, vous m’écoutez, moi, vous !
C’est trop ! Dans mon espoir même le moins modeste,
Je n’ai jamais espéré tant ! Il ne me reste

Qu’à mourir maintenant ! C’est à cause des mots
Que je dis qu’elle tremble entre les bleus rameaux !
Car vous tremblez, comme une feuille entre les feuilles !
Car tu trembles ! car j’ai senti, que tu le veuilles
Ou non, le tremblement adoré de ta main
Descendre tout le long des branches du jasmin !

(Il baise éperdument l’extrémité d’une branche pendante.)

 

 

Roxane.

Oui, je tremble, et je pleure, et je t’aime, et suis tienne !
Et tu m’as enivrée !

 

Cyrano.

Alors, que la mort vienne !
Cette ivresse, c’est moi, moi, qui l’ai su causer !
Je ne demande plus qu’une chose…

 

Christian, sous le balcon.

Un baiser !

 

Roxane, se rejetant en arrière.

Hein ?

 

Cyrano.

Oh !

 

Roxane.

Vous demandez ?

 

Cyrano.

Oui… je…

(À Christian bas.)

Tu vas trop vite.

 

Christian.

Puisqu’elle est si troublée, il faut que j’en profite !

 

Cyrano, à Roxane.

Oui, je… j’ai demandé, c’est vrai… mais justes cieux !
Je comprends que je fus bien trop audacieux.

 

Roxane, un peu déçue.

Vous n’insistez pas plus que cela ?

Cyrano.

Si ! j’insiste…
Sans insister !… Oui, oui ! votre pudeur s’attriste !
Eh bien ! mais, ce baiser… ne me l’accordez pas !

 

Christian, à Cyrano, le tirant par son manteau.

Pourquoi ?

 

Cyrano.

Tais-toi, Christian !

 

Roxane, se penchant.

Que dites-vous tout bas ?

 

Cyrano.

Mais d’être allé trop loin, moi-même je me gronde ;
Je me disais : tais-toi, Christian !…

(Les théorbes se mettent à jouer.)

Une seconde !…
On vient !

(Roxane referme la fenêtre. Cyrano écoute les théorbes, dont un joue un air folâtre et l’autre un air lugubre.)

Air triste ? Air gai ?… Quel est donc leur dessein ?
Est-ce un homme ? une femme ? — Ah ! c’est un capucin !

 

 

(Entre un capucin qui va de maison en maison, une lanterne à la main, regardant les portes.)

 

 

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